Un souffle salé entre ciel et roches rouges
Il est des lieux sur la Côte d’Azur qui, sans jamais hausser le ton, murmurent à l’oreille du voyageur des promesses de beauté brute et de quiétude retrouvée. Saint-Raphaël est de ceux-là. Blottie entre les reliefs sanguins de l’Estérel et le bleu altière de la Méditerranée, cette petite commune varoise joue une partition subtile, entre mer et patrimoine, entre chemins escarpés et terrasses ombragées. Le genre d’endroit que l’on croit connaître, et que l’on redécouvre pourtant à chaque détour.
Explorer les criques secrètes de l’Estérel
Il suffit d’un matin un peu doré, d’un sac à dos léger et d’une bonne paire de sandales pour partir à la rencontre des criques sauvages qui jalonnent la corniche d’Or. Le sentier du littoral, démarrant aux abords du port Santa Lucia, ondule au pied des falaises rouges, fend les pins parasols et dévale vers des calanques confidentielles où l’on n’entend que le chant des cigales et le clapotis discret d’une Méditerranée paisible.
Parmi les criques les plus charmantes :
- Calanque du Petit Canereit – Nichée dans une anse rocheuse, accessible après une courte marche, elle offre un bain de solitude aux amateurs de tranquillité.
- Calanque de Maupas – Plus sauvage, elle se mérite. Ici, la roche est rouge feu, froissée par le vent, et contraste à merveille avec l’eau turquoise.
- Calanque Saint-Barthélémy – À l’esprit plus balnéaire, mais offrant des vues à couper le souffle sur le massif.
Je me souviens d’un après-midi de juin, juste avant que la saison batte son plein. J’avais plongé là, seul au monde, entre deux rochers veillant comme des sentinelles. Un vieux monsieur me gratifia d’un « courage, jeune homme », alors que je m’extirpais, ruisselant mais heureux, d’une eau fraîche comme un baiser d’algue. Un instant suspendu, que l’on n’attraperait jamais sur une plage bordée de transats.
Le cœur de Saint-Raphaël : entre marchés, basilique et douces flâneries
Une fois sec et ragaillardi par le soleil ou un pan-bagnat bien senti, il est grand temps de remonter vers le centre-ville. Saint-Raphaël a cette douceur un peu rétro qui convient aux âmes légèrement nostalgiques. Le quartier du vieux port, avec ses barques colorées et ses pêcheurs matinaux, se marie avec élégance à la monumentalité de la Basilique Notre-Dame-de-la-Victoire, joyau néo-byzantin aux dômes couleur plomb qui serre la mer dans ses pierres blondes.
Ne manquez pas le marché Provençal, place Victor Hugo, un véritable kaléidoscope de senteurs et d’accents chantants. Olives au citron, tomates séchées, lavande en sachet cousu-main… Ce temple de la gourmandise locale est aussi un théâtre où chaque étal est un personnage.
Et pour les amateurs de panoramas, grimpez au Jardin Bonaparte. Perché au-dessus du port, ce parc en belvédère offre une vue spectaculaire sur le golfe de Fréjus et les reliefs mauves du soir.
La Promenade René-Coty : quand le front de mer devient une galerie d’art
Quand l’heure se fait indigo et que la ville s’enveloppe d’une lumière douce, la promenade René-Coty s’éveille comme un vieux piano que l’on accorde le soir venu. Chers flâneurs, voici votre terrain de jeu. Cette large artère longeant la mer accueille artistes, musiciens, marchands de glaces et amoureux en goguette. Chaque banc est une invitation au lâcher-prise, chaque fontaine un prélude à une conversation spontanée.
Ne passez pas à côté de la Tour San Rafeu, ancien phare médiéval transformé en musée, où l’on découvre l’histoire de la ville et où l’on grimpe, en récompense, à un panorama à 360 degrés sur les azurs superposés du ciel et de la mer.
L’Estérel côté terre : randonnées et légendes minérales
À quelques kilomètres du centre, le Massif de l’Estérel lève fièrement ses pics de porphyre rouge, comme si la terre avait décidé un jour de faire éclater ses couleurs intérieures. Autant dire que les randonneurs y trouveront matière à extase et à dénivelés.
Si vous ne deviez faire qu’une randonnée (mais ce serait un péché), optez pour le Pic de l’Ours. Son nom, rugueux et rassurant, évoque les histoires d’antan, et la montée, bien que sportive, débouche sur une vue inoubliable sur le littoral courbé entre Cannes et Saint-Tropez.
Autres suggestions pour jouer les promeneurs contemplatifs :
- Le Cap Roux – Une boucle de 5 km, insolente de beauté, où les roches, ocre et pourpres, semblent avoir été sculptées par un peintre fou.
- La forêt du Dramont – Plus ombragée, elle renferme les vestiges du débarquement de Provence et la célèbre plage du débarquement où trône l’île d’Or (oui, celle qui a inspiré Hergé dans L’Île Noire… les tintinophiles apprécieront).
Je me rappelle avoir croisé, dans un virage sinueux du sentier du Cap Estérel, un vieux randonneur portant béret, gourde en bandoulière et sourire désabusé. « Belle journée pour se perdre. » Il n’avait pas tout à fait tort.
Activités nautiques pour les téméraires ou les contemplatifs
Bien entendu, Saint-Raphaël serait presque trop polie si elle ne proposait pas aussi son florilège d’expériences aquatiques. Si vous aimez glisser, voler ou barboter avec grâce, la mer ici répond à toutes vos (in)attentes.
- Kayak de mer – Idéal pour explorer les criques que la terre ne veut pas laisser atteindre trop facilement.
- Plongée sous-marine – Les fonds marins autour de l’île d’Or ou du Lion de Mer (petit îlot à 200 m de la côte) sont propices aux rencontres fascinantes avec mérous taiseux et bancs de sardines pressées.
- Voile ou paddle au couchant – Parce qu’il y a quelque chose de profondément poétique à se balancer sur l’onde lorsque le ciel se fait caramel.
Pour ma part, j’ai opté pour la version contemplative : un petit tour en bateau solaire avec un capitaine philosophe, qui m’a parlé du vent comme d’un frère. Peut-être exagérait-il, mais les vagues semblaient approuver.
Un brin d’insolite : la villa Aurélienne et l’élégance nostalgique
Moins connue que certaines richesses côtières, la Villa Aurélienne, perchée dans un parc arboré de 20 hectares, est un hommage discret à l’architecture Belle Époque. On y accède presque par hasard, comme une surprise laissée là pour les curieux.
Outre son charme architectural, la villa abrite régulièrement des expositions d’art contemporain, qui dialoguent en silence avec les vieilles pierres et les arbres centenaires. Ne soyez pas surpris de croiser un piano oublié dans le jardin ou une sculpture absurde flottant dans la fontaine. C’est toute la magie du lieu.
Conseils pratiques et dernières effluves
Saint-Raphaël se découvre idéalement hors saison : mai ou septembre, ces mois suspendus où les locaux reprennent possession de leur ville et où la lumière devient d’une tendresse rare. Quant au logement, privilégiez une chambre d’hôtes dans le centre ancien ou une location à Agay, pour profiter des criques du matin sans bataille de serviette.
Et surtout, n’oubliez pas de lever les yeux. Car dans cette ville où les pierres parlent bas et où la mer écoute, tout est affaire de détails et de regards attentifs. Un linteau sculpté, une enseigne effacée, un vieux monsieur qui connaît encore les noms de chaque vent… Saint-Raphaël, plus qu’un séjour, est une conversation ancienne qu’il faut réapprendre à comprendre.
Et puis, entre nous… c’est ici que j’ai, pour la première fois, appris à ne rien faire, parfaitement. Ce qui, on en conviendra, est un art tout méditerranéen.