Un soupir d’iode dans le parfum des pins. Une caresse saline sur des sentiers caillouteux. Une île minuscule comme un secret qu’on chuchote, nichée au large du littoral varois. L’île du Gaou n’est ni lointaine ni inaccessible, et pourtant, elle a ce charme discret des lieux qu’on croit rêvés. Un coin de paradis suspendu entre ciel et mer, où le chant des cigales murmure aux promeneurs d’être présents à chaque pas. Bienvenue au Gaou, ce bout d’île inattendue face à Six-Fours-les-Plages, où l’on ne vient pas tant pour “faire” que pour “être”.
L’île du Gaou : entre deux mondes
On accède à l’île du Gaou comme dans un conte : en traversant une passerelle de bois depuis la presqu’île du Brusc. Derrière vous, la ville et ses obligations. Devant, un monde suspendu entre la rocaille et la Méditerranée. L’île se divise en deux zones distinctes : le Petit Gaou et le Grand Gaou. La première accueille souvent les événements et concerts d’été, tandis que la seconde, plus sauvage, est classée « espace naturel sensible » — une invitation à avancer doucement, et à se taire parfois.
Sur à peine 17 hectares, le Gaou déploie un éventail de paysages surprenants : plages de galets, petites criques intimes, pinèdes aux troncs tordus par le mistral, et falaises calcaires léchées par l’écume. Une diversité saisissante pour un si petit territoire. Ici, pas de béton, pas de transats alignés. Seulement des sentiers balisés, des bancs solitaires avec vue sur mer… et parfois, des lézards qui semblent vous regarder d’un air goguenard.
Un écosystème sous haute protection
L’île du Gaou n’est pas juste un décor de carte postale : c’est un milieu rare, précieux, que la commune de Six-Fours-les-Plages s’efforce de protéger vigoureusement. Interdiction d’y allumer des feux ou de sortir des sentiers, bien entendu. Mais au-delà de ces règles élémentaires, c’est toute une gestion écologique qui est mise en place, depuis la préservation des zones de nidification de certains oiseaux au suivi des espèces végétales endémiques.
On y trouve par exemple le genêt de Lobel, une espèce protégée qui illumine le maquis au printemps de fines touches jaunes. Et la posidonie, cette plante marine — et non une algue, rendons à Neptune ce qui lui appartient — essentielle à la qualité de l’eau et à la biodiversité sous-marine, tapisse les fonds alentours comme un tapis d’émeraude oublié.
Une balade à travers les sens
Marcher sur l’île du Gaou, c’est se laisser emporter par une symphonie de sensations. Le craquement des aiguilles de pin sous les sandales. Le vent qui joue dans les branches. Le hasard d’une crique où l’eau est si claire qu’on y voit les oursins prendre le thé. Et parfois, si vous avez de la chance — ou la patience — des passages discrets vous mènent à des recoins oubliés, parfaits pour un moment seul avec la mer.
Préférez une visite tôt le matin ou à l’heure dorée du soir. Les odeurs de résine chauffée par le soleil, mêlées à l’humidité marine, créent un parfum inimitable. Ce que les parfumeurs de Grasse essaieraient d’enfermer en flacon, le Gaou vous l’offre à grand ciel ouvert.
Une touche d’histoire, une pincée de mémoire
Le Gaou n’a pas toujours été cette oasis paisible. L’île garde dans sa terre le souvenir d’activités plus rudes : la pêche, bien sûr, mais aussi d’antiques passages grecs et romains, d’où émergent parfois des fragments de céramique échoués dans les posidonies. Même Napoléon, dit-on, aurait mouillé à quelques encablures, lors d’un passage éclair dans la région. L’île ne dit rien, mais elle observe — discrète, presque espiègle.
Le Gaou en été : scènes en plein air et poésie sonore
Quand viennent les mois chauds, l’île se transforme. Le Petit Gaou accueille alors des concerts à ciel ouvert, dans un cadre à couper le souffle — rien de moins. Des artistes connus ou émergents s’y produisent dans une ambiance presque magique, sous les étoiles, le vent jouant parfois avec les notes. C’est l’un des rares endroits où l’on peut écouter un concert en robe légère, les orteils pleins de sable et la lavande dans l’air.
L’atmosphère reste pourtant fidèle à l’ADN du lieu : respectueuse, intime. Ici, la fête ne dénature pas le lieu, elle l’honore. Et une fois les amplis éteints, les cigales reprennent leur chant comme si de rien n’était.
Quelques conseils avant de plonger dans l’aventure
- Chaussures fermées et curiosité ouverte : Le sentier principal est balisé, mais certains tronçons peuvent être rocailleux. Laissez les tongs aux plages surpeuplées, ici vos pieds ont besoin de stabilité.
- Pas d’eau potable sur l’île : pensez à emporter une gourde. Le soleil varois n’a pas l’habitude de plaisanter.
- Un pique-nique ? Oui, mais éthique : zéro déchet, pas de plastique à usage unique. Emportez ce que vous apportez, et rendez au Gaou la discrétion qu’il vous offre.
- Respectez la faune et la flore : pas de cueillette, pas de cailloux en souvenir. L’île n’a pas besoin d’être emportée pour être gardée en mémoire.
Et si on restait un peu ?
Difficile de repartir du Gaou sans un pincement au cœur. Peut-être est-ce l’effet des couleurs, de cette lumière chaude qui nappe la mer en fin de journée. Ou bien cette impression que l’île vous a raconté quelque chose, mais que vous n’avez saisi qu’une partie du message. Il faudra revenir. C’est peut-être ça, le plus beau : que certains endroits ne s’achèvent jamais vraiment.
Avant de tourner les talons, j’ai pour habitude de m’asseoir face à la passe, cet étroit bras d’eau qui sépare l’île du continent. Les goélands tournoient, le mistral coucherait presque les pins. Et moi, là, entre deux mondes, je me dis qu’il est bon parfois de s’éloigner un peu pour mieux se retrouver. Le Gaou ne crie pas son beauté sur Instagram, ne court pas après les likes, mais il vous regarde, silencieusement, et promet : « Si tu veux, je t’attendrai. »