Cote d'azur

Plage des Darboussières : joyau naturel de la presqu’île de Giens

Plage des Darboussières : joyau naturel de la presqu’île de Giens

Plage des Darboussières : joyau naturel de la presqu’île de Giens

Un sentier, quelques pins, et puis la mer

On y arrive presque par hasard. Une sente caillouteuse s’échappe des chemins balisés de la presqu’île de Giens, cette langue mince et racée qui effleure le large comme pour mieux s’en détacher. À mesure que vous vous enfoncez entre les broussailles de chênes et les sifflements de cigales, vous oubliez doucement Hyères, ses plages aménagées, ses terrasses pleines de spritz et ses airs de station balnéaire bien rangée.

Et puis, par-delà un bosquet de pins parasols tordus par le mistral, elle se révèle. La Plage des Darboussières. Secrète, intacte, farouche comme une île oubliée, elle déroule ses galets blancs et ses criques de roche ocrée sous un ciel que le soleil blesse de lumière. Ici, pas d’aménagements criards, pas de rumeur de sono. Juste le ressac, le vent, et peut-être les conversations discrètes de quelques habitués qui veulent qu’on garde le secret.

Un bijou caché au creux du Tombolo

La presqu’île de Giens — que d’aucuns surnomment affectueusement “la presque-île” — est reliée au continent par deux bras de sable, les fameux tombolos, qui enferment entre eux les salins aux reflets roses où s’ébattent les flamants. C’est sur son flanc sud-est, là où les pins commencent à s’effilocher face à la mer, que se niche la Plage des Darboussières, précieusement dissimulée dans une crique accessible uniquement à pied.

À vrai dire, c’est peut-être ce léger effort de randonnée côtière qui la protège du tourisme de masse. Il faut marcher une quinzaine de minutes, longer quelques escarpements, éviter une racine traîtresse ou deux. Mais quelle récompense au bout du sentier : une vue plongeante sur une eau limpide, mille nuances de turquoise, des rochers noirs polis par le sel et le temps, et une plage qui semble avoir échappé à la carte postale.

Une mer d’huile pour ceux qui savent attendre

Ceux qui se pressent ici ne le font pas par hasard. Ce sont des amoureux de nature brute, des visiteurs du silence. Le matin, avant dix heures, la mer est une nappe figée, le bleu se dissout dans l’ocre de la roche comme une aquarelle. On y entre comme on rentre dans une cathédrale : doucement, sur la pointe des pieds, avec le sentiment un rien enfantin d’enfreindre un pacte sacré.

Alors bien sûr, oubliez le confort quelconque. Ni parasol, ni glacier ambulant. Ce n’est pas une plage, c’est presque un sanctuaire. Les galets peuvent être peu conciliants, mais un simple matelas de randonnée règle l’affaire. Et un pique-nique soigné — pensez olives de Nyons, pain de campagne croustillant, chèvre frais et rosé local — transformera votre halte en festin de roi.

Un théâtre naturel pour les amoureux de la méditerranée

Ce que j’ai préféré ? Ce moment suspendu où le soleil commence à baisser, et que les hauteurs révèlent leur théâtre d’ombres. Les pins projettent leurs silhouettes géantes sur les rochers, les reflets dorés dansent au creux des criques. Les plus intrépides enfilent masque et tuba pour une session de snorkeling qui confine à l’enchantement : girelles fluos, oursins géants, peut-être un poulpe si vous êtes très sages. La biodiversité marine ici est étonnamment riche — la plage fait d’ailleurs partie du périmètre d’étude du Parc national de Port-Cros.

Mais même si vous n’avez pas l’âme exploratrice, vous serez conquis. Il suffit de s’étendre, dos aux pins, visage au ciel, et écouter. La Méditerranée parle bas, mais elle dit tout.

Un peu d’histoire, quelques mystères

Le nom “Darboussières” dériverait d’un vieux mot occitan évoquant les arbousiers, ces arbustes à baies rouges qui parsemaient autrefois le maquis environnant. Aujourd’hui ils sont rares, remplacés par les immortelles, les lentisques et le parfum enivrant du ciste. Mais l’endroit n’a jamais cessé de fasciner les locaux, qui murmurent encore quelques histoires autour de feux de plage — entre deux éclats de rosé — au sujet de contrebandiers qui auraient utilisé cette anse discrète pour y débarquer des marchandises au nez des douaniers.

Mythe ou réalité ? Peu importe, tant le décor se prête aux récits. J’aurais moi-même prêté serment avoir aperçu, un soir de fin d’été, une silhouette étrange glissant entre les rochers… Peut-être juste un plongeur matinal. Ou l’écho d’une époque révolue.

Petit guide pratique pour une escapade réussie

Car oui, aussi sauvage soit-elle, la Plage des Darboussières se mérite avec un minimum de préparation :

Quand y aller ? Et surtout, quand éviter

En cœur d’été, il faut être matinal. Dès 10h30, la petite plage commence à attirer les connaisseurs — et même s’ils sont discrets, ils peuvent être nombreux. Ma saison préférée reste septembre : les touristes ont déserté, l’eau est encore tiède, et les cigales vous offrent leurs derniers chants avant l’automne. Octobre a ses charmes aussi, plus mélancoliques, mais tout aussi puissants. On y croise souvent des pêcheurs du coin ou des randonneurs solitaires, que l’on reconnaît à leur pas lent et leur regard perdu vers le large.

Évitez, si possible, les jours de fort mistral : la mer devient plus agitée, l’accès peut être glissant, et l’expérience perd un peu de sa magie.

Pourquoi revenir ?

Parce que la Plage des Darboussières n’est pas qu’un lieu. C’est un moment, une sensation, une ode discrète à ce que le littoral méditerranéen peut offrir de plus pur. Dans un monde qui bétonne à tout-va, elle est un rappel salutaire qu’il reste encore des poches d’authenticité, des refuges à ciel ouvert où le temps semble suspendu.

Revenir, c’est renouer avec quelque chose d’archaïque, d’intact. C’est se laisser happer par la beauté simple d’une crique oubliée, là où la nature a su respirer sans nous. Et c’est, peut-être, se rappeler pourquoi on aime tant flâner sans but, sac sur le dos, à la recherche du bout du monde. Ou du début de quelque chose.

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