Échapper à la carte postale : les merveilles (presque) secrètes autour de Hyères
Il y a des endroits qui se racontent à voix basse, comme une confidence au détour d’un sentier. Hyères, la lumineuse, est bien connue pour ses palmiers et ses îles d’or. Mais c’est en écartant les rideaux de sa façade balnéaire que l’on découvre un théâtre d’une tout autre dimension. Alors, que faire autour de Hyères quand on a soif d’inattendu ? Voici une errance guidée par le mistral et quelques pas trop curieux pour rester sur le bitume.
Plages secrètes : le sable loin des clichés
On croit toujours connaître la mer quand on habite ou visite le littoral varois. Mais connaissez-vous la plage de l’Hermitage, nichée en contrebas de la route du sel, bien à l’écart des foules qui s’agglutinent à l’Almanarre ? Petit coin de paradis bordé de tamaris, accessible uniquement à pied ou à vélo, elle offre un doux silence entre deux vols de goélands.
Et puis il y a la plage de la Darboussède, sur l’île de Porquerolles, joyau secret accessible en empruntant un sentier discret à l’est. L’eau y semble peinte à la main, les pins vous racontent des histoires si vous tendez l’oreille, et les meilleurs moments pour en profiter sont les fins d’après-midi, quand les derniers bateaux reprennent doucement le large.
Enfin, si vos pas vous mènent au cap Bénat, aventurez-vous jusqu’aux criantes criques de Léoube. Seules quelques âmes bien informées prennent la peine d’escalader les rochers pour y plonger tête la première dans cette Méditerranée préservée. Là-bas, le luxe est dans le silence, et les seules serviettes sont celles des habitués du maquis.
Villages perchés : là où le temps renonce à passer
À quelques virages de Hyères, le vacarme des moteurs s’éteint, remplacé par le chant épais des cigales et le souffle du vent dans les tuiles anciennes. Bienvenue dans ces petits mondes perchés, où l’on grimpe autant qu’on voyage dans le temps.
- Bormes-les-Mimosas : au-delà des catalogues de tourisme, ce village est un mille-feuilles de teintes ocre et pastel, traversé d’escaliers en calade et de bougainvilliers plus poétiques que les vers d’Apollinaire. Le vieux village, avec sa vue vertigineuse, est une invitation à flâner sans but. Une fois, un artisan potier m’a raconté qu’il avait refusé un contrat avec un grand hôtel pour ne pas « industrialiser son âme ». Voilà tout le charme du lieu.
- Collobrières : enfoncé dans l’arrière-pays, au creux du massif des Maures, c’est le royaume discret de la châtaigne. S’y perdre un dimanche, à l’heure du marché, c’est plonger dans une France rurale savoureuse, où le caramel au beurre salé côtoie naturellement les rails rouillés d’un vieux petit train touristique désaffecté. Essayez donc la tarte aux marrons chez Lou Pisadou, elle mérite mieux qu’un simple post Instagram.
- Pierrefeu-du-Var : moins fréquenté encore, ce village suspendu cache l’une des meilleures caves coopératives de la région. Un rosé fleurant bon le romarin et l’amandier, qui se déguste dans la cour ombragée en observant les volets battants d’une maison à l’allure trop calme pour ne pas avoir des secrets. Et s’il pleuvait à Pierrefeu ? Alors, ce serait le prétexte rêvé pour s’abriter à La Table de Laurène, où le chef cuisine l’agneau comme personne.
Randonnées à perdre haleine… et conscience du temps
Il y a dans les environs de Hyères des sentiers qui semblent se dessiner à mesure qu’on y pose le pied, comme si le paysage vous testait avant de récompenser vos efforts. Inutile d’être un alpiniste pour apprécier ces échappées belles, mais mieux vaut garder l’esprit vagabond et de bonnes chaussures.
Le sentier du littoral depuis la plage de la Londe jusqu’à l’Argentière est un bon début. Alternant falaises, bosquets odorants et points de vue fous sur les îles d’Hyères, il n’est pas rare d’y croiser des tortues d’Hermann en goguette. Laissez donc tomber vos écouteurs. Ici, même le bruit des vagues semble récité par un ancien poète grec.
Pour les plus téméraires (et moins sensibles aux dénivelés), le circuit de la Chartreuse de La Verne, perdu dans les Maures, est un voyage à part entière. Imaginez un monastère lové dans une clairière, entre chênes-lièges et châtaigniers, et vous, petit pionnier moderne, arpentant l’ombre des anciennes oraisons monacales. Car oui, même le silence ici a un goût de mystère.
Et que dire de la montée vers Notre-Dame des Anges, point culminant du massif des Maures ? Une rando de six heures aller-retour, ponctuée de points de vue hallucinants sur la mer et les Alpes du Sud. Par temps clair, on distingue même la Corse. J’en garde un souvenir marquant : un pique-nique improvisé avec un couple de retraités belges qui m’ont appris à découper le fromage « comme là-haut chez nous, tu vois ». Instant suspendu, fromage compris.
Saveurs et escales inattendues
On ne fait pas que marcher et admirer autour de Hyères – point trop n’en faut. Les sens, tous les sens, méritent une invitation à la noce. Et le goût, ici, se décline en mille nuances de soleil.
Ne quittez pas la région sans goûter au vin du Domaine La Courtade, sur Porquerolles. Certifié bio, élevé avec le vent comme allié, il accompagne à merveille… toute contemplation du coucher de soleil. Pour les passionnés de slow food, un saut au marché de La Crau ou à celui de Carqueiranne offre un condensé de Provence dans votre panier – abricots suspendus au sucre, tapenade noire qui assène des vérités, et melons ronds comme des balles de tennis fatiguées.
Enfin, une halte au Café des Arts à Hyères-même permet de retrouver un peu de civilisation dans le bon sens du terme. On y feuillette un Pagnol entre deux gorgées de café, et il n’est pas impossible qu’un joueur de guitare improvise un air de Nino Ferrer à l’ombre des platanes. Certains y écrivent des poèmes sur des nappes avec un stylo prêté « juste pour cette chanson ».
Éclats d’insolite : là où la curiosité devient boussole
Parlons maintenant de ces petits riens qui font tout. Ceux qui n’apparaissent sur aucune carte, qui n’ont pas encore de site TripAdvisor (prions que ça dure).
- Le Jardin Remarquable de Baudouvin à La Valette-du-Var : une mosaïque de senteurs, d’eau et de lumière, entre permaculture et poésie. Rarement jardin public aura eu autant de prétention botanique… et c’est justement ce qui le rend si fascinant. On se perd parmi les allées comme dans un rêve entre deux arrosoirs.
- Le Musée de la Mine de Cap Garonne à Le Pradet : une lente descente dans les entrailles de la terre. Ici, on découvre l’histoire oubliée des mineurs qui extrayaient le cuivre au XIXe siècle, et un univers souterrain suspendu hors du temps. La fraîcheur des galeries contraste avec le soleil qui vous assomme dehors. Un vrai voyage dans l’envers du décor méditerranéen.
- Le phare du Cap d’Arme : sur l’île de Porquerolles, après bien des détours. Peu de gens poussent la balade jusque-là, et c’est tant mieux. Les arbres tordus par le vent y dansent pour personne, les chevaux sauvages apparaissent parfois comme un mirage, et le phare, tel un veilleur fatigué, attend l’heure bleue pour briller.
Hyères, ce n’est pas qu’une ville à visiter, c’est un souffle. Celui du sud, évidemment. Mais aussi celui du voyage intérieur que déclenche tout ce qui nous rappelle que le monde a, quelque part, décidé de rester beau. Vous en doutez encore ? Empruntez ce sentier au lever du soleil, goûtez ce vin avec vos doigts, écoutez cette fontaine au cœur d’un village oublié. Vous verrez : plus jamais vous ne verrez « autour de Hyères » de la même manière.